Pour qui ?

Qui est concerné par l’Industrie 4.0 ?

Selon les principaux acteurs du secteur, toutes les entreprises industrielles sont concernées par l’Industrie 4.0. Il s’agirait tout simplement d’une question de survie (lire notre rubrique « Pourquoi ? »). Mais cette évolution ne se fera pas au même rythme. Selon les derniers chiffres de l’Insee, datant de 2016, la France compte 235.100 entreprises ayant pour activité principale l’industrie manufacturière. Sur ce total : environ 30.000 PME pourraient progressivement passer à l’Industrie 4.0. Pour l’instant, les différentes actions lancées dans le cadre de la dynamique Industrie 4.0, notamment celles de l’AIF (Alliance Industrie du Futur), ont permis d’accompagner un peu plus de 5.100 entreprises. Un chiffre qui devrait atteindre les 7.000 en 2018. Et ce n’est qu’un début. Au total : 10 000 PME ont été identifiées par l’AIF comme « accompagnables ». « Près d’un tiers des PME devrait donc bientôt intégrer l’Industrie 4.0 », indique ainsi Daniel Richet, directeur du développement régional et international du Cetim (Centre technique des industries mécaniques).

Le tissu industriel français est également composé d’environ 1.500 grands donneurs d’ordres et ETI, qui sont déjà largement avancés en matière de digitalisation, principalement dans l’industrie aéronautique et automobile. Il reste cependant quelque 190.000 entreprises de moins de 10 salariés dont la conversion à l’Industrie 4.0 demeure un véritable défi.

Quelle est la place de l’humain dans l’Industrie 4.0  ?

L’Industrie 4.0 est censée remettre l’humain au premier plan. Comment ? Tout d’abord en sauvegardant et même en créant de l’emploi. Selon les conclusions du programme Robot Star PME, qui s’est déroulé de 2013 à 2017 : 63 % des entreprises ont embauché entre 1 et 5 salariés depuis l’intégration d’un nouvel équipement robotique. Les postes créés ont porté majoritairement sur la production et sur les méthodes. Et 84 % des entreprises comptent embaucher entre 1 et 10 salariés suite à l’intégration de la cellule robotique. L’acquisition de leur robot leur a en effet permis de gagner en productivité, pour 84 % des entreprises, et d’augmenter leur rentabilité, pour 74 % d’entre elles. Elles affichent du coup une croissance moyenne de 15,8 % de leur chiffre d’affaires et de 27,5 % de leur résultat net en deux ans. Et comme elles sont plus compétitives, ces entreprises embauchent.

Selon le dernier rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi (COE) (1), moins de 10 % des emplois industriels risqueraient de disparaître en France, du fait de l’automatisation et de la numérisation. « S’agissant de leurs conséquences sur l’emploi, les robots, l’intelligence artificielle ou l’impression 3D ne justifient, ni frayeur ni exaltation. Les transformations d’emplois existants, pour être probablement de très grande ampleur, pourront constituer autant d’opportunités et rendre bien des tâches moins pénibles et plus performantes. Les pertes d’emploi, peut-être significatives, pourront être compensées, et plus que, par des créations d’emploi en France », a déclaré Marie-Claire Carrère-Gée présidente du COE à l’occasion de la présentation de ce rapport.

Pourquoi l’humain est au cœur de l’Industrie 4.0 ?

L’humain possède une place centrale dans l’Industrie 4.0. L’analyse de données, même en gros volumes avec le Big Data, est une opération menée par des data analysts et autres data scientists, avec l’aide d’outils informatiques. Mais sans eux, cela serait impossible. Ensuite, les résultats d’analyses des données sont présentés aux responsables de l’entreprise qui vont prendre des décisions d’optimisation en conséquence. Mais c’est bien à eux que revient la décision finale. L’outil numérique n’est qu’une aide à la décision.

Les algorithmes mathématiques, qui vont servir à traiter et analyser les données, sont en effet loin d’être génériques. Ils doivent être adaptés à chaque cas de figure en fonction des principaux critères d’optimisation choisis par l’entreprise : gagner en productivité, en qualité produit, en performance énergétique, etc. L’humain reste donc incontournable pour choisir et développer ces algorithmes.

À un niveau plus opérationnel, le savoir-faire humain reste incontournable. C’est notamment le cas en robotique collaborative. Des modèles montrent que certaines tâches ne seront jamais automatisées – faute de ROI. Mais cette main-d’œuvre deviendra plus autonome dans la prise des décisions et la maîtrise de son périmètre.

L’Industrie 4.0 ne réduit donc pas la place de l’humain, mais elle redistribue les rôles.

Qui tire bénéfice de l’Industrie 4.0  ?

Les principaux apports de l’Industrie 4.0 sont davantage de productivité et de flexibilité. Cela va bien entendu profiter de manière globale à l’entreprise, en développant sa compétitivité et en lui permettant théoriquement de gagner des parts de marché. Mais au niveau de chaque collaborateur, dans quelle mesure l’Industrie 4.0 devrait-elle améliorer son quotidien ?

Au plus haut niveau, la direction générale va bénéficier d’une meilleure vision de ce qui se passe dans son usine, grâce à des « dashboard » sur l’état de la production, le niveau de qualité produit, la consommation en énergie et matériaux, etc.

Au niveau opérationnel, le travail de l’opérateur se voit valorisé, notamment grâce à la robotique. L’usine 4.0 va revaloriser l’opérateur en réduisant la pénibilité de ses tâches. Par exemple : porter des cartons en fin de ligne pour en faire des palettes, toute la journée, ce n’est pas réellement valorisant. Et cela peut même être traumatisant physiquement. C’est là que le robot offre une réelle réponse.

Ce binôme homme/machine serait d’ailleurs plus performant que de laisser l’humain travailler seul, ou la machine travailler seule. Selon une étude du MIT, réalisée en 2016 avec le constructeur allemand BMW : un binôme robot/humain serait ainsi 85 % plus productif qu’un humain seul ou un robot seul. L’humain est en revanche créatif et peut s’adapter aux situations, et donc améliorer les process. Il peut ainsi reprogrammer le robot pour améliorer ses mouvements.

Au-delà de l’opérateur, les techniciens de maintenance devraient eux aussi voir leurs conditions de travail améliorées, avec des déplacements sur le terrain uniquement lorsque cela est nécessaire.

Qui est moteur de l’Industrie 4.0

Le principal moteur de l’Industrie 4.0 est la direction générale. Ensuite, le projet doit impliquer tous les niveaux de l’entreprise, en cassant les silos hiérarchiques et en misant sur « l’intelligence collaborative », s’accordent à dire les principaux acteurs du marché.

Mais avec l’Industrie 4.0, une nouvelle génération de collaborateurs et d’entrepreneurs, pourrait également prendre une place centrale dans cette évolution. Un des enjeux de l’Industrie 4.0 est en effet de développer l’attractivité des métiers, pour attirer de jeunes talents.

Selon Bpifrance, les jeunes pousses françaises s’intéresseraient de plus en plus au domaine industriel. L’organisme a ainsi recensé plus de 140 startup travaillant sur des technologies et services pouvant être exploités dans le cadre de l’Industrie 4.0. Les domaines sont très variés et couvrent la robotique, l’optimisation de process, la maintenance, le contrôle qualité, l’IoT ou encore la cybersécurité.

(1) Tome 1 du rapport « Automatisation, numérisation et emploi » adopté par le Conseil d’orientation pour l’emploi en janvier 2017.

Article adapté de l’édition N°16 de Smart-Industries, auteurs Christophe Guillemin et Guy Fages